Que le meilleur brosse !

une confession d'Emilie Braussadant


Je suis une brosse à dents qui ne demande rien à personne, qui fait son boulot proprement, sainement, sans se la raconter. Parce que je suis conçue pour ça. Et c'est une noble tâche, l'hygiène buccale.

Mais voilà, ce matin, Sisi me lance : « T'as une sale tête ces temps-ci ! » Sisi, c'est cet infâme tube de dentifrice qui s'obstine à squatter le même pot que moi. Je ne peux plus le voir celui-là ! Ras-les-poils ! Et que j'ai des cristaux de perlite... gnagnagna... et que j'suis Intégral... gnagnagna... Intégralement chiant, oui !

Et d'abord, j'ai une sale tête, parce que je bosse, moi. Ok, j'ai pas de cristaux de perlimachintruc, mais je travaille dur. Je me suis faite toute seule, à la force du poil. Alors que lui, planqué, il fait quoi ? Il sent bon ? La belle affaire !

Sur le coup j'ai rien dit, mais j'aurais dû lui envoyer dans les dents un truc du style : « Sans moi, tu sers à rien. Alors que moi, sans toi, je taffe quand même, connard ! »

Puis après tout, est-ce-que j'ai vraiment une tête si moche que ça ?

J'en connais une ou deux qui aujourd'hui servent à récurer les semelles poisseuses de chaussures pas très claires, ben elles, elles ont une sale tête. Moi, ça va. J'ai vécu, d'accord, ça laisse quelques marques. Mais franchement, ça pourrait être pire. Alors qu'il arrête de me chercher l'autre, parce qu'un jour, je vous le dis, ça va mousser, mais ça va pas lui plaire !

Oh, et puis zut ! Videz-le, qu'on n'en parle plus !