14 nov. 2007

Res Publica

une confession de John Kanett


Pas bien compliqué, a priori, la vie d'une canette de jus de pomme... Tenez, moi, par exemple, jusque là je menais une existence pépère, sans trop de questions à me poser. De ma sortie d'usine, jusqu'à mon frigo de Restaurant Universitaire, rien de bien compliqué. La vie standard d'une boisson standard. Et ça m'allait plutôt bien.


Sauf que ce matin une demoiselle m'a conduite, pour des raisons que je n'ai pas encore bien cernées, dans un lieu bizarre : des milliers de jeunes gens assis par terre remuant les mains comme pour vouloir dire des choses, secouant des petits papiers jaunes... bizarre vous dis-je ! Une AG qu'ils appellent ça. Pour y faire de la politique, paraît-il.


Alors bon, entre deux gorgées, j'écoute, histoire d'avoir des trucs à raconter plus tard à mes voisins de poubelle : « pour... contre... démocratie... blocage... actions... médias... réformes... » Bref, j'attrape au vol quelques idées. Hein, ce n'est pas parce qu'on n'est qu'un bidule qu'on ne s'intéresse pas à ce qui se passe.


Soudain, j'entends deux ou trois agiteurs de mains remuer à l'évocation d'un mot : « apolitique ». A priori, sans être sûre d'avoir tout compris, je crois qu'il ne leur plaît pas trop ce mot, à ce moment là.


Plus tard, quand mes agités, heureux, m'avaient enfin balancée dans la poubelle de mes rêves, j'y ai réfléchi deux secondes, ils avaient raison, les agités : eux sont politiques, moi je suis apolitique. D'une, parce que je n'avais jamais demandé à être là (j'aurais préféré une cours de récré avec des gamins qui jouent aux billes, si on m'avait demandé mon avis), et de deux, parce que je n'avais pas d'opinion à donner.


Un bidule, c'est bien connu, ne fait pas de politique. La preuve.

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